vendredi 17 juin 2016

Pierre Guérin, sieur de Belenclos : le premier maire

Rendons à César ce qui est à César : si toute la partie généalogique est issue de mes recherches personnelles, une grande partie des infos de cet article (notamment toute la partie « historique ») est issue du numéro spécial du Journal Communal de La Selle La Forge du 14 décembre 1989 édité à l'occasion des 200 ans de la parution du décret qui créait les municipalités le 14 décembre 1789.
Dans ce numéro spécial était publié l'important travail de Fabrice Viel consacré à « Deux siècles d'administration et de vie municipale à La Selle La Forge ».
Je ne sais pas exactement qui est Fabrice Viel mais qu'il en soit remercié !

Pour situer géographiquement, La Selle La Forge est une commune de l'Orne, en Normandie, située au nord-ouest du département à proximité de la ville de Flers. Peuplée d'après le dernier recensement en 2013 de 1 432 habitants, elle en comptait 965 en 1793 et 1 050 en 1800.

Commençons par un rappel historique.

L'article III de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen édictée par les constituants le 26 août 1789 est le premier texte à proclamer la souveraineté nationale et à reconnaître les droits civiques du peuple français. C'est en vertu de cette loi fondamentale qu'on procède régulièrement au renouvellement des conseils municipaux.

Jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, il n'existait, dans le cadre de la petite paroisse rurale qu'était La Selle, aucune organisation municipale proprement dite. Les habitants s'assemblaient « en forme de commun et général » sur convocation de leur syndic (agent de la communauté rurale élu par les chefs de famille pour agir au nom de la collectivité et prendre soin de ses intérêts) ou au son de la cloche « à l'issue de la grand'messe paroissiale » ou des « vespres » pour délibérer des affaires de la communauté.

En 1787 , s'opéra une profonde modification de l'organisation administrative des campagnes. Un édit de juin, complété par le règlement du 15 juillet suivant, établissait dans chaque communauté rurale deux sortes d'assemblée :
- une assemblée paroissiale composée de taillables payant au moins 10 livres d'imposition foncière. Les taillables sont les contribuables assujettis au paiement de la taille, impôt direct d'Ancien Régime. Le Clergé et le Noblesse, ordres privilégiés, ne payaient pas cette redevance.
- une assemblée municipale de 6 membres élus parmi les hommes de plus de 25 ans, ayant un an de résidence dans la paroisse et payant au moins 30 livres d'impôt.
Ces assemblées avaient le soin de gérer les intérêts locaux, l'application sur leur territoire des décisions du gouvernement, l'entretien des bâtiments communaux et la répartition et collecte des impôts.
La constitution définitive des municipalités rurales souffrit en général d'un certain retard et ce n'est finalement qu'en mai 1788 que la liste en fut établie pour ce qui concerne La Selle La Forge.

Les circonstances historiques et le contexte politique ne permirent pas à cette institution d'acquérir une maturité ni de procurer les bienfaits que le gouvernement en avait espéré.
La loi du 12 novembre 1789 mit fin à son existence.

Cette loi décidait de la création d'un municipalité dans chaque paroisse qui deviendrait bientôt commune et un décret du 14 décembre suivant en précisait le mode de désignation.

Les élections eurent lieu en janvier-février 1790. A La Selle La Forge, le corps municipal était formé de 5 officiers municipaux et présidé par le maire directement élu par les citoyens actifs.
Étaient électeurs ou « citoyens actifs » les hommes agés de 25 ans ou plus, ayant un an de domicile dans la commune et payant dans la commune une contribution directe de la valeur locale de trois journées de travail.

A l'aube de le Révolution Française, les communautés rurales du Bocage, en quête d'un individu susceptible de les représenter, se tournèrent assez souvent vers leur curé, leur notaire, leur médecin....

Ce ne fut pas le cas à La Selle La Forge.

Pierre Guérin naît le 10 avril 1741 dans la paroisse Saint Sauveur de La Selle. Il appartient à la branche des Guérin « Belenclos ». Il est le fils de François Guérin et de Marguerite Delaunay qui se sont mariés dans la même paroisse le 27 novembre 1738.
Il se marie le 4 mai 1762 à Bellou en Houlme avec Charlotte Leportier. De cet union naîtront 10 enfants.

À la suite de l'édit de 1787, la première municipalité s'organise. Pierre Guérin en est le greffier.

Compte tenu de ses fonctions et de ses compétences, c'est lui qui fut choisi lorsqu'il fallu élire un maire en 1790.

Le premier maire appartient au négoce mais le vocable « marchand » sous lequel il est désigné renseigne fort mal de son activité précise. On peut penser que que son commerce fut en liaison avec la production agricole. Son père, François Guérin « Belenclos » apparaît comme « propriétaire », il était relativement aisé, tenant une certaine puissance socio-économique de l'étendue de la terre qu'il exploitait, de l'emploi qu'il procurait à la masse paysanne et de la possession d'animaux de trait.

Son mandat de maire arrivé à expiration, Pierre Guérin ne reparaît dans la vie publique qu'en 1798. La famille Guérin ayant l'un des siens « aux Chouans », il est possible que sa carrière ait pâti des agissements contre-révolutionnaires de son petit-cousin Jacques Charles Guérin « des Rivières » qui n'est autre que le célèbre chef chouan, lieutenant de la Légion de Flers, plus connu sous le pseudonyme de « Voltige » auquel la ville de Flers dédia plus tard une rue. Jacques Charles guérin est le fils de Charles Guérin sieur des Rivières, cousin germain de Pierre Guérin.

Devenu veuf, Pierre Guérin épouse en secondes noces le 24 juin 1793 Madeleine Fouche originaire de Landigou.

À partir d'octobre 1798, Pierre Guérin représente les intérêts de sa commune en qualité d'agent municipal au sein de la municipalité du canton de La Carneille.

En juin 1799, il est nommé maire provisoire puis maire à part entière. Mais le mois suivant, le premier préfet du département lui préférera quelqu'un d'autre.

Le premier maire de la Selle La Forge décède le 6 décembre 1810 à l'âge de 69 ans.

Le dévouement au service de l'administration municipale est traditionnel et héréditaire chez les Guérin « Belenclos ». François Guérin (1768-1840), fils de Pierre Guérin fut conseiller municipal de 1813 à 1832. François Guérin (1799-1881) fils de François, petit-fils de Pierre, fut conseiller municipal de 1860 à 1881 et maire de 1862 à 1870. Son frère, Arsène Guérin (1811-1884) fut conseiller municipal en 1884.
Eugène Guérin (1850-1927), grand-père de ma grand-mère paternelle, arrière-petit-fils de Pierre Guérin et neveu de François et Arsène ci-dessus nommés, fut conseiller municipal de 1900 à 1927.

Plusieurs autres de mes ancêtres directs furent membre du conseil municipal de La Selle La Forge.
L'arrière-grand-père de ma grand-mère et beau-père d'Eugène Guérin, Jacques Halbout (1807-1884) fut conseiller municipal de 1865 à 1881.

Du côté maternel de ma grand-mère, Louis François Lecornu (1792-1857) fut conseiller municipal de 1832 à 1860. Son fils François Lecornu (1815-1884) le fut de 1874 à 1884.

2 commentaires:

  1. j'aime bien ta manière d'écrire, on ne s'ennuie pas une seconde, bravo!
    quelle belle passion tu as là! savoir d'où on vient permet de mieux connaitre qui on est... ça me plairait de faire des recherches moi aussi.. un jour peut être!

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  2. Génial ! Moi qui étais sûre de connaitre très bien l'histoire des communes françaises je viens d'en apprendre encore!

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